Prison Break version Bisounours
Aéroport Paris Charles-de-Gaulle, mercredi 14 janvier, 7h du matin. Je descends de l’Airbus en me disant que les TGV me manquent un peu. Il m’y est plus facile d’écrire et rapper grâce à l’espace disponible dans l’entre-wagon, que dans les avions où les tablettes des sièges ne permettent que difficilement d’installer plusieurs feuilles et un stylo. Muni de ma valise imposante, je rejoins Nico K à Gare du Nord pour un départ en direction de la Picardie à 9h du matin. Il m’a proposé une scène et des ateliers d’écriture tout au long de la journée.
L’école où nous nous rendons ressemble à une prison colorée et joyeuse. Apparemment l’architecte en était à son premier essai, après avoir œuvré pour l’univers carcéral et psychiatrique! Je trouve ce clin d’œil très ironique.
J’ai l’honneur et le plaisir d’animer l’atelier en compagnie d’une des personnes qui m’a le plus influencé dans le slam. Ca fait à peine quelques heures que je suis sur le territoire, je peux ressentir à quel point la France est encore sous le choc de Charlie Hebdo. Notamment à travers les textes résultants de l’atelier et la facilité avec laquelle les élèves ont réussi à s’approprier le thème de la liberté d’expression.
En repartant de ce décor Prison Break version Bisounours, je suis heureux et je sais déjà que les ateliers à venir seront du régal. La séance d’écriture du soir fait du bien à l’âme. Chacune des participantes ramène à manger et nous partageons nourriture et vers.
L’accueil en Picardie est à l’image de Nico K. Une structure chaleureuse, courtoise et drôle à la fois. Si ce pote vous invite, ne refusez jamais, sous aucun prétexte !
4ème édition de l’Open du Sud-Ouest
Le lendemain je prends la direction de Bordeaux, il reste 48h avant le début de l’Open du Sud-Ouest et je viens d’apprendre que l’endroit où nous devions faire la réception après la scène vient d’annuler. Peut-être est-ce là, la malédiction du trophée que j’ai malencontreusement brisé auparavant dans le métro ?
J’ai pris l’habitude d’organiser un évènement en janvier, chaque année depuis plus de 5 ans, et il n’y a pas à dire: d’année en année, on a de nouvelles frayeurs, mais ça finit toujours bien.
Lors de cette 4ème édition de l’Open du Sud-Ouest, les villes suivantes envoient leurs représentants :
Mont-de-Marsan, Toulouse, Pau, Agen et Bordeaux.
Sur l’ensemble des villes, Toulouse réussit à faire coup double en plaçant deux de ses poètes dans le carré final. Cependant, le duel de fin se solde sur une opposition de style entre Pau et Bordeaux, avec un remake de l’édition précédente :
Grog vs Torsounours.
A un doigt d’accomplir un doublé historique, Grog n’arrive pas à défendre son titre face au « Miroir » de Torsounours.
On parlait de l’importance du calibrage récemment…Pour le coup: j’ai rarement vu une soirée avec autant de niveau sur les calibrages.
Nous avons eu 6 calibrages pendant la soirée, dont Méluzine qui confirme une belle reconversion avec un nouveau style de texte, Naturel qui est impressionnant de régularité depuis 2008, tous ses textes sont des hits, ainsi que Khalid qui nous a ressorti un « Imatoumi » de derrière les fagots pour aller chercher le seul grand chelem de la soirée : 50 points sur 50. J’ai d’ailleurs pu lire sur le visage de Torsounours qu’il était transcendé par le passage de Khalid juste avant lui.
Ce slameur est trop sous-coté en tournoi, il n’aura pas le droit au « miroir » sur le championnat francophone de slam, mais on n’a pas finir de voir notre reflet dans sa salive.
Son petit frère arrive également et vient de se qualifier pour le So What. La famille des nounours va devenir fournisseur officiel de slameur pour Bordeaux.
Un poulet qui hérite du nom de « Maras Junior »
Sur le choix de Pepso Stavinsky pour le set artistique de la soirée, certaines personnes du public m’ont un peu critiqué. Perso : j’adore. Le mec fait un a capella de feu, a une interprétation au point et des punchlines poético-sexuello-freudienne, qui pourraient servir de thérapie afin de rendre les pratiques de DSK plus douces et conformes aux mœurs. En plus Pepso est une crème hors de la scène. A l’occasion je le réinvite.
Le lendemain, après avoir une quasi nuit blanche au compteur, je fais un tour du marché des Chartrons avec des zombies qui se reconnaîtront. Vers 16h, la fête ne se termine toujours pas, on continue sur Pau afin d’y trouver un peu de « rePau » proche des montagnes. La famille qui m’accueille a prénommé un poussin « Maras », mais ce dernier étant mort rapidement, c’est un poulet qui hérite du nom de « Maras Junior ». A défaut d’avoir une rue à mon nom dans Bordeaux, j’ai au moins une génération de volaille baptisée, pour représenter l’ensemble de mon passage sur Terre.
End of the Weak Nantes
A peine le temps de respirer: je fais Pau/Clermont-Ferrand et Clermont-Ferrand/Nantes en covoiturage. Coincé entre deux passagers sur le siège du milieu à cause de mon gabarit, je m’agace du manque de connexion ferroviaire dans le sens horizontal en France.
Arrivé à Nantes, je participe au End of the Weak. Chaque End Of the Weak local est précédé d’un open mic qualificatif, sur lequel 5 à 8 Mc’s sont sélectionnés pour passer les 5 épreuves principales*. Ce n’est que la troisième fois que je fais l’open mic qualificatif et cette épreuve est définitivement la plus stressante. J’ai encore un peu peur de la première fois où je n’avais pas été retenu. Quand on a fait tout un trajet et que l’on sait qu’on a déjà su gérer les épreuves, c’est dur de s’imaginer rester sur le banc de touche au moment où la vraie partie du End Of the Weak commence.
J’ai été sélectionné dans un Ferrailleur rempli. Au moment où je vois les sélections, je sais déjà que Gonzo Skizo est dans un excellent soir, ainsi que Bogdan que je découvre. Malgré un freestyle bag où mes sensations sont excellentes, je finis 2ème derrière Gonzo Skizo. C’était très serré et on a fourni une bataille acharnée. Quelque part c’est frustrant de rater de la victoire de si peu, mais les mots du jury, du public, des amis, la bonne humeur de Dandyguel, le regard chambreur de K-raï et la personnalité de Gonzo Skizo offrent un réconfort immédiat. Je suis content de recroiser Wadi, il a bonne mine et notre entente ne fait que se confirmer depuis les battles au Confort Moderne. Curieux également de revoir DJ Koni Dee qui a l’air très actif. Je ne me suis jamais rendu à Caen dont il est originaire et son émission radio pourrait être une opportunité de m’y rendre, ou pourquoi pas pour kicker avec HVJ, avec qui j’ai le Togo en point commun.
En tout cas, je ne vais pas lâcher le End Of the Weak cette année, je vais y retourner avec l’ambition de devenir un MC encore plus complet. Idéalement il faudrait que j’arrive à faire mieux que lors de la saison 6 où j’avais échoué en finale régionale Sud.
Si j’avais une machine à remonter le temps…
A peine le EOW Nantes prend fin, que je dois filer pour Hambourg avec mon frangin Beasty, beatboxeur hors-norme. Son art a pris en maturité et sa maîtrise du public est totale. On est accueilli dans une salle complète, dans le cadre du festival Arabesques.
Au programme : du rap en impro, des poèmes en allemand, en français, du beatbox…bref, on sort un aperçu de toutes nos compétences !
Barbara, l’organisatrice, nous a fait confiance, et on lui rend bien : on met le feu sur scène et j’espère qu’on nous rebookera rapidement pour des salles encore plus grandes dans cette ville. Au passage, big up à Schriftstehler et au petit jeune qui est venu nous rejoindre sur scène.
Accompagné du crew Helajny, on fait découvrir la Reeperbahn à Beasty, après une nuit dont je tairais les secrets, on prend l’avion, retour case départ : Aéroport Charles de Gaulle. Sur ce vol, les passagers se demandent ce que nous avons, vu les hurlements dus à la crise de fou rire qui s’empare de nous après avoir pris quelques photos plus bêtes les unes que les autres.
Après un check de l’épaule à mon fréro, je remarque que la fatigue et la satisfaction du travail bien accompli se lisent sur nos visages, puis je monte dans l’avion direction Afrique. J’en profite pour regarder « Et Dieu créa la femme ». Les vols me permettent au moins de compenser mon retard en matière de classiques. Ce film est parfait sur le moment : sa simplicité, les décors du Sud de la France m’apaisent et je découvre Brigitte Bardot sous un autre angle! Si j’avais une machine à remonter le temps…
En fait, si j’avais une machine à remonter le temps, je ne changerais rien au début artistique de l’année 2015.
Lundi prochain on reviendra sur les ateliers au lycée français d’Accra et les projets qui arrivent, ainsi qu’une nouvelle activité qui s’ajoute à mon panel !
Votre Maras.
*Les 5 épreuves du End of the Weak :
1-un texte libre sur instru
2-un texte a capella
3-une improvisation avec un sac d’objet dans lequel on doit piocher pour les intégrer en rap
4-improvisation sur le DJ qui change d’instru et de vitesse à souhait
5-Un cercle avec tous les rappeurs en utilisant les rimes des autres pour envoyer des punchlines.